La guerre de trente Ans en Europe
C’est à l’origine une guerre purement religieuse et allemande mais elle devient par l’intervention de la France un conflit européen. Il faut savoir que l’Europe chrétienne était divisée entre catholiques et protestants. Sur le plan politique, la Maison d’Autriche dominait le continent européen. Elle était divisée en deux branches : d’une part l’Espagne qui possédait la péninsule ibérique, des territoires en Italie, la Franche-Comté et les Pays-Bas ainsi que son empire colonial et d’autre part l’Autriche qui contrôlait deux royaumes (Bohème et Hongrie). Les deux puissances se considéraient comme protectrices du catholicisme. Se sentant menacée entre l’Allemagne catholique et l’Espagne, la France, sous la direction de Richelieu, s’allie à la Suède pour passer à la lutte contre la Maison d’Autriche. Après avoir battu l’Espagne (Rocroi 1643) la France pénètre en Allemagne en traversant la Lorraine et menace Vienne, ce qui décide l’Empereur d’Autriche à signer le traité de Westphalie en 1648, permettant à la France de s’agrandir en Lorraine (Trois Evêchés) et en Alsace. La lutte contre l’Espagne se termine par la paix des Pyrénées en 1659. La France récupère l’Artois, le sud du Luxembourg (Thionville) et le Roussillon .
Le pays sierckois pendant la guerre de Trente Ans
La Lorraine à laquelle appartenait le pays sierckois fut prise dans la tourmente qui ravagea l’Europe centrale mais elle ne fut touchée qu’à partir de 1631 et elle ne retrouva la paix qu’en 1661 ; donc la guerre a duré aussi trente ans mais avec un décalage de douze ans par rapport à l’Europe centrale.
Sierck était une place-forte qui protégeait le cours septentrional de la Moselle et donc l’une des routes qui reliait la France à l’Allemagne. Le château-fort était l’une des résidences préférées des ducs de Lorraine. Au XVIIe siècle le duché de Lorraine était vassal de l’empereur germanique. En fait ce duché était devenu indépendant comme beaucoup de principautés situées dans l’empire germanique. La Lorraine était convoitée par plusieurs grands États ( Espagne , Allemagne ) mais c’est le roi de France qui s’intéressait le plus à la région car elle était un lieu de passage vers l’Allemagne et ses armées contrôlaient déjà les Trois Évêchés (Metz, Toul et Verdun). De plus le duc de Lorraine exerçait une certaine menace sur la France en participant à la Ligue (parti des catholiques) et manifestait ses prétentions à la couronne de France alors que le roi de France considérait la Lorraine comme un fief du royaume de France et donc le duc devait lui faire allégeance .
La guerre de Trente Ans en Lorraine débute par une opposition entre le duc Charles IV et Louis XIII. Suite à l’agression des impériaux sur une partie de la Lorraine (Vic sur Seille et Moyenvic) les Français interviennent pour protéger Metz. A partir de 1634 deux camps s’opposèrent violemment : d’un côté Lorraine , Espagnols et Impériaux soutenus par des contingents polonais, croates et hongrois, de l’autre les Français assistés d’armées suédoises commandées par Bernard de Saxe Weimar. Ce furent donc des troupes de toutes nationalités qui, pendant trente ans circulèrent dans cette province qu’elles ravagèrent. En 1642, les Suédois sévissent dans le pays de Sierck commettant d’épouvantables destructions dans la ville et ses environs.
Par le Traité de Vincennes en 1661 le duc de Lorraine cède à la France non seulement Sierck mais aussi trente villages aux alentours. Un édit royal crée le bailliage de Thionville et lui subordonne la prévôté de Sierck. Les maires et les curés et les habitants devront prêter serment de fidélité à sa Majesté le roi de France.
La guerre de Trente Ans a marqué un retour à la barbarie. Les souverains achètent des soldats qui forment des armées de mercenaires ; ceux-ci se comportent comme de vrais soudards qui pillent et tuent là où ils passent (voir l’arbre des pendus de Jacques Callot).Les troupes régulières sont souvent elles aussi indisciplinées. Par ailleurs les populations des bourgs et des villages doivent loger ces soldats dans leur maison. Les habitants sont souvent obligés de fuir dans les forêts ou à l’étranger. Ceux qui restent n’ont plus de quoi se nourrir et sont souvent obligés de manger des glands ou des cadavres d’animaux. La famine sévit aussi à cause de la dégradation du climat qui provoque une insuffisance des récoltes. Les cultures sont souvent abandonnées par crainte du pillage. Des cas extrêmes d’anthropophagie sont mêmes signalés par les contemporains. On a retrouvé trois enfants dans le saloir d’une femme ; cette découverte serait à l’origine de la légende de Saint Nicolas qui redonna vie à trois enfants retrouvés dans le saloir d’un boucher. Enfin la population fut également touchée par les épidémies de peste consécutives au froid, au manque de nourriture et aussi au passage de troupes (Hongrois en particulier). Deux types de peste sévissent : la peste pneumonique toujours mortelle et la peste bubonique. Ces formes de peste se transmettaient par l’air ou par le contact avec les étrangers dont on devait toujours se méfier.
Le passage des armées était toujours un désastre économique (impôts accablants, maisons brûlées et parfois disparition de villages). Le commerce international s’en ressentit ; le droit de péage dans la région de Sierck passe de 367 francs en 1926 à 202 francs dix ans plus tard, indice d’un très net recul des échanges dans la vallée de la Moselle .
La guerre a aussi vidé la région d’une partie de sa population masculine. Entre 1635 et 1639 le colonel Maillard décima le nord de la Lorraine à la recherche de recrues. Le maire de Montenach, à cause de sa grande pauvreté, a quitté le pays et s’est rendu au service du roi d’Espagne. De même les fermiers des moulins de Montenach, Sulzen et Dreisbach ont accompagné en 1635 l’armée de son Altesse à Bruxelles et Besançon.
» De la guerre, de la faim, de la peste, délivrez nous Seigneur ! » Telle était la prière habituelle des paysans d’Ancien Régime. Jamais elle ne fut plus d’actualité que dans la Lorraine des années 1630-1660.
Bibliographie: Une guerre de Trente Ans en Lorraine (1631-1661) de Philippe Martin